Les transferts monétaires, une réponse trop simpliste aux disparités de santé ?

L’argent fait-il la santé ? Les évidences suggèrent que oui. Même la mort survient plus précocement chez les personnes plus socioéconomiquement défavorisées.[i]
Pourquoi ? Un faible accès aux soins de santé, aux aliments nutritifs et aux possibilités d’activité physique, un sommeil de moindre qualité, ainsi qu’une exposition chronique au stress, sont autant de barrières à une bonne santé chez les populations à faible revenu. Des mécanismes biologiques semblent également en jeu. Les personnes vivant dans des conditions économiques difficiles présenteraient des taux d’inflammation plus élevés, pouvant favoriser le développement et la progression de maladies métaboliques comme le diabète et l’obésité (Hotamisligil, 2006).

Suffit-il alors simplement de donner de l’argent aux personnes à revenus faibles pour améliorer leur état de santé ? Plus précisément, le fait de donner de l’argent incitera-t-il les personnes à revenu faibles à s’investir davantage dans leurs santés via par exemple, le sommeil, l’exercice physique, des comportements sains etc. ?

La question a été étudiée par des chercheurs aux États-Unis dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé. Ils ont fourni 1 000 $/mois à 1 000 participants à faible revenu, et 50 $/mois à 1 000 autres, puis ont mesuré leurs indicateurs de santé physique et mentale pendant 3 ans.

Cet article est un bref aperçu des résultats de cette étude, les résultats complets sont disponibles dans le rapport détaillé ici .

Qu’est ce que les auteurs ont trouvé ?

Sur la santé mentale: Le niveau de stress a été mesuré avec le score de Kessler. Les résultats de l’étude montrent que les participants du groupe de traitement ont obtenu un niveau moyen de stress nettement inférieur au niveau moyen du groupe control, mais cette amélioration était de courte durée. Le graphique ci-dessous montre la différence du niveau moyen de stress du groupe de traitement par rapport au groupe control. On voit que lors de la première année, les résultats du groupe ayant reçu le transfert d’argent étaient nettement plus faibles, environ 1 fois plus basse que ceux du groupe de contrôle. Cependant, dès la deuxième année, cette différence significative s’est considérablement réduite, se rapprochant de zéro.

Sur la santé physique :Le transfert d’argent semble n’avoir aucun effet sur aucun des composants de la santé physiques. Ni les mesures effectuées à partir des déclarations des participants eux-mêmes, ni les examens biologiques (A1C et autres marqueurs) n’ont décelés de différence significative entre les deux groupes. Le transfert d’argent n’a eu pas eu d’effet sur l’exercice ou le sommeil, et les intervalles de confiance excluent même les effets très petits (Voir Table 11 de l’article).

Sur la sécurité alimentaire:L’étude a révélé une amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le groupe bénéficiant du transfert. Cette amélioration était de courte durée comme pour la santé mentale.

Sur les soins médicaux, hospitalisations et les visites aux urgences:On a constaté une augmentation significative des hospitalisations (étonnamment, alors que l’accès suggestif aux soins n’avait que très peu amélioré), des visites aux urgences et des soins dentaires. Parallèlement, les dépenses totales en santé ont progressé d’environ 20 $ par mois en moyenne.

Cependant, cette plus forte utilisation des services médicaux ne s’est pas nécessairement traduite par une amélioration de la santé sur le long terme. Certains comportements moins favorables à la santé ont même été observés, comme une consommation d’alcool plus fréquente.

Conclusion :Ces résultats mitigés soulèvent des questions quant à l’efficacité des transferts monétaires pour réduire significativement les inégalités de santé. Peut-être que des interventions plus ciblées sur les déterminants sociaux de la santé seraient plus à même d’atteindre cet objectif selon les auteurs.

Toujours selon les auteurs, l’argent liquide reste un outil intéressant pour donner aux gens plus de liberté dans leurs choix de consommation, y compris en matière de santé. Mais son utilisation pour améliorer la santé de manière spécifique semble plus délicate.

« Ce qui est génial avec l’argent liquide, c’est qu’il donne la liberté de choisir ce que vous voulez consommer ! Mais cela en fait également un outil plutôt brutal pour aborder spécifiquement la santé. Nos participants ont consommé plus de loisirs, de nourriture, de logement et d’autres choses. Et différentes personnes ont choisi des choses différentes.

Ces choix de consommation ne semblaient pas améliorer leur santé en moyenne, mais c’étaient les choses que les participants voulaient, comme le révèlent leurs propres choix. Il s’agit d’une caractéristique de l’argent, pas d’un bug ! » Sarah Miller[i]

Sources:

ORUS_Health.pdf (umich.edu)

Evans, W., B. Wolfe, and N. Adler (2012). The SES and Health Gradient: A Brief Review of the Literature,37. Russell Sage Fondation.

 Sarah Miller (@smilleralert) / X

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