En médecine pour savoir si un médicament fonctionne sur tout le monde, il faut au préalable le tester sur un groupe restreint d’humains. Tous les vaccins, tous les médicaments que les médecins nous prescrivent, sont passés par ce stade, appelée essai clinique. Cette ultime étape dans le développement des médicaments, dont seulement 2% sont réalisés en Afrique [1], est le moyen le plus efficace dont nous disposons aujourd’hui pour confirmer ou infirmer l’efficacité d’une intervention médicale sur les humains. C’est aussi avec un essai clinique qu’on déterminera si un médicament utilisé au départ contre une maladie pourrait être efficace contre une autre, ou si un médicament est meilleur qu’un autre, etc.
S’il est vrai que l’histoire des essais cliniques renferme des parts sombres et parfois tragiques [2,3], leurs conduites sont toutefois, depuis quelques années, soumises à des lois et principes éthiques de plus en plus rigoureux [4,5]. Ainsi dans chaque pays, il existe un ou plusieurs organes institutionnels dont le ministère de la santé, et un comité d’éthique chargés de veiller au respect de ces principes éthiques avant et tout au long de la conduite des essais cliniques. Lorsqu’un groupe de chercheur souhaite entreprendre un essai clinique dans un pays, entre autres démarches administratives nécessaires, il doit soumettre le document de son projet à un comité d’éthique indépendant qui juge de l’acceptabilité ou non de l’étude. Ce comité est constitué (dans l’idéal), des personnes en mesures des juger les aspects scientifiques, moraux et culturels de l’étude selon le contexte du pays. Autant dire que les essais cliniques, contrairement à ce qu’auraient pu insinuer les réactions au scandale médiatique au début de la pandémie covid19[6], ne sont pas (ou plus) des expériences de « savant fou » où les sujets humains sont à la disposition des scientifiques pour n’importe quel projet insensé.
Sans être exhaustifs, les critères ci-dessous sont les plus importants dans l’évaluation d’un essai clinique par un comité d’éthique. A noté qu’ils sont rigoureusement inspectés, et le manquement à un seul de ces principes, à n’importe quel moment de l’étude, selon la gravité, peut conduire à la modification des procédures de l’étude, voire son arrêt. [7].
- Le consentement, la protection et la sécurité des individus participant à l’étude : Tout sujet participant à un essai clinique doit le faire de son propre gré ou de celui de son représentant légal. Il doit être informé du pourquoi, du comment cette expérience va se dérouler, des risques qu’elle comporte, et dans un langage non technique. Il doit aussi être en mesure d’interrompre sa participation s’il ne la souhaite plus. Les scientifiques doivent également être mesure d’éviter ou du moins de minimiser le risque d’incident grave pour l’individu tout au long de sa participation.
- L’utilité pour la communauté : Au-delà de l’individu, la communauté dans laquelle se déroule l’essai doit avoir intérêt des résultats positifs de l’étude. Par exemple si une maladie X sévit au japon et est liée à la consommation d’un poisson d’eau douce de ce pays, disons que cette maladie n’est pas transmissible aux maliens, Il n’est pas éthiquement acceptable de tester un produit contre cette maladie chez des maliens, si le produit ne sert que les populations japonaises.
- L’essai doit avoir une base scientifique : Le produit ou l’intervention testée doit au préalable être scientifiquement validé, par l’expérience ou par des théories scientifiques consistantes. Il n’est pas admissible de tester sur des humains les incantations de ma grand-mère, aussi inoffensives soient-elles en apparence, si je ne peux fournir une explication scientifique vérifiable du fonctionnement, de l’utilité, de la sécurité de ces incantations.
- Validité de la méthode utilisée : Pour être valide un essai clinique doit répondre à des exigences méthodologiques particulières, aussi il n’est pas admissible des soumettre des humains inutilement à des expériences dont les résultats, par défauts de rigueur scientifique, ne seront pas valides.
- La compétence des scientifiques qui conduisent l’essai. Cela va de soi, pour assurer la sécurité des participants et garantir la validité scientifique de l’étude, les personnes conduisant la recherche doivent avoir les compétences et l’expérience nécessaires pour le faire.
Ces principes éthiques qui protègent les sujets humains, garantissent aux scientifiques qui les respectent la validité de leur travail. Aussi les chercheurs qui violent ces principes peuvent voir leurs recherches invalidées, poursuivi ou même interdit de recherche selon la gravité des violations et selon le pays. Les médicaments ou vaccins issues des études qui violent ces principes ne sont pas non plus autorisés à être mis sur le marché.
Les premiers essais cliniques étaient essentiellement conduits dans les pays développés mais depuis quelques années ils sont de plus en plus réalisés dans les pays à ressources limitées, et c’est une bonne chose [8]. D’une part ils représentent une opportunité de renforcement des capacités scientifiques et éthiques pour les chercheurs locaux, dont l’exemple frappant est le centre de recherche Ogobara Doumbo du Mali. D’autre part, pour la communauté, les essais cliniques favorisent l’accès à des nouveaux médicaments, ou des vaccins potentiellement efficaces, comme récemment avec le nouveau vaccin antipaludéen testé sur des enfants burkinabés et dont l’efficacité était jusqu’à 77% [9].
Les essais cliniques font avancer la science médicale et contribuent à alléger les souffrances humaines, mais comme toute science, ils peuvent être sujets à des dilemmes éthiques parfois très complexes ,et il dont il importe de débattre avec RAISON notamment dans les pays en développement [10].
- Urgently seeking efficiency and sustainability of clinical trials in global health – ScienceDirect
- Expérimentation médicale nazie — Wikipédia (wikipedia.org)
- Étude de Tuskegee sur la syphilis — Wikipédia (wikipedia.org)
- Pratique des essais cliniques en Afrique – Historique du paradigme et de la méthode – IRD Éditions (openedition.org)
- WMA Declaration of Helsinki – Ethical Principles for Medical Research Involving Human Subjects – WMA – The World Medical Association
- Coronavirus : Projet de vaccin en Afrique : Après Eto’o, Drogba attaque les occidentaux (senenews.com)
- H:\all_data\PUBLICAT\operat_gui (who.int)
- Clinical Trials Have Gone Global: Is This a Good Thing? (plos.org)
- Un vaccin contre le paludisme efficace à plus de 75 % (futura-sciences.com)
- Ethical Complexities of Conducting Research in Developing Countries | NEJM