L’épidémie de Marburg au Rwanda, Faut-il s’inquiéter ?

Figure 1 : Distribution géographiques des épidémies de Marburg de 1967 à 2024

Malgré la forte létalité du virus Marburg et les précédentes épidémies d’ampleur significative, il faut aussi reconnaître que des stratégies de planification et une gouvernance efficace peuvent aider à limiter voire arrêter la propagation des maladies épidémique. Par exemple, Resolve to Save Lives (2021) a documenté huit études de cas d’épidémies qui ne se sont pas produites, comme celles de fièvre jaune au Brésil et d’Ebola en Ouganda, où des mesures de gestion proactive ont permis de prévenir de graves crises sanitaires[4].

Les épidémies de fièvre hémorragique constituent une menace sérieuse pour la santé publique, et avec des risques considérables pour la santé mondiale[5].  Alors que les autorités rwandaises travaillent activement à contenir la propagation du virus, il est crucial d’examiner les données et les faits disponibles pour évaluer la gravité de la situation et déterminer si elle nécessite une réelle inquiétude. Certains éléments laissent cependant espérer que cela ne sera pas le cas.

Le R0 faible des épidémies de Marburg.

Le R0, ou taux de reproduction de base, est un élément clé dans la dynamique de propagation d’une épidémie. Il indique le nombre moyen de personnes qu’une personne infectée peut contaminer dans une population entièrement susceptible. Bien que le R0 puisse varier d’une épidémie à l’autre pour une même maladie, il diffère considérablement entre différentes maladies. Par exemple, le R0 de la rougeole est extrêmement élevé, se situant entre 12 et 18. Traduit autrement, une personne infectée par la rougeole peut transmettre le virus à plus d’une douzaine d’autres individus et explique la rapidité avec laquelle les épidémies de rougeole peuvent se développer dans des populations non immunisées. Le R0 du virus Marburg est estimé entre 1.5 et 1.2, un chiffre relativement faible qui limite la capacité du virus à se propager rapidement et de manière explosive[6].

Ailleurs, bien que Le R0 soit un indicateur très utile, sa définition, son calcul et son interprétation sont d’une complexité souvent mal comprise[7]. Aussi l’utilisation des valeurs de R0 anciennes est vu comme inapproprié et la prudence voudrait que les décisions de santé publique puissent se fonder sur des valeurs actuelles de R0 propre à chaque épidémie[8].

Tableau 1 : Valeur de R0 par maladie

Caracteristiques des épidémies de
Marburg précédentes :

Les épidémies de Marburg ont été d’une extrême brutalité, avec des taux de létalité pouvant atteindre jusqu’à 80 %. Toutefois, la plupart de ces épidémies se limitaient
souvent aux zones où elles avaient émergé. Même dans les rares cas où des infections ont été exportées vers d’autres pays, elles ont généralement été maîtrisées rapidement, limitant ainsi leur impact. Les deux plus grandes épidémies ont eu lieu au Congo en 2000, avec 128 décès sur 154 cas, et en Angola, où 227 décès ont été enregistrés. Malgré leur gravité, ces épidémies sont restées confinées à leur pays d’origine.

La plus récente épidémie avant celle du Rwanda a eu lieu en 2023 en Tanzanie. Là encore, des mesures rapides ont permis de contenir la situation. Il est difficile de prévenir avec certitude l’évolution d’une épidémie, cependant si les leçons tirées des précédentes épidémies successives sont partagées rapidement avec les autorités sanitaires, elles pourraient offrir des insights précieux pour mieux gérer celle du Rwanda. 

Graphique 1 : Caracteristiques des épidémiques de Marburg-1967-2024

Le 27 septembre 2024, le ministère de la Santé du Rwanda a déclaré une épidémie de virus Marburg dans le pays. Identifié pour la première fois en 1967, ce virus hautement pathogène a causé plusieurs épidémies sporadiques à travers le monde,principalement en Afrique. C’est la première fois que le Rwanda est touché par cette maladie.

A la date du 13 octobre 2024, l’épidémie avait enregistré 61 cas confirmés, dont 14
décès, ce qui représente une létalité de 23 %. Ces cas sont associés à deux clusters hospitaliers à Kigali. Par ailleurs, quinze guérisons ont été signalées parmi les cas confirmés à cette même date.

La recherche des contacts est en cours, avec plus de 700 personnes sous surveillance au 9 octobre 2024. Un contact a voyagé à l’étranger, en Allemagne, et sera surveillé pendant au moins 21 jours. Un autre contact, de nationalité belge, a terminé sa période de suivi et a été déclaré négatif.[1,2]

 

Contexte historique :

Le virus Marburg tire son nom de la ville allemande où il a été identifié pour la première fois, après que des scientifiques aient contracté la maladie en manipulant des singes importés d’Afrique.

Depuis 1967, le monde a connu plus de 15 épidémies de Marburg, dont l’ampleur a varié d’une épidémie à l’autre. La plus importante a eu lieu en 2005 en Angola, avec 252 cas, dont 227 décès. Bien que des cas aient été signalés en dehors du continent africain, principalement importés d’Afrique, la majorité des infections au virus Marburg se produisent en Afrique. La dernière épidémie sur le continent a eu lieu en 2023 en Tanzanie, où 8 cas ont été recensés, dont 5 décès[3].

Données Épidémiologiques des cas.

Comparée aux épidémies précédentes, celle du Rwanda revêt une ampleur significative. Moins d’un mois après son déclenchement, elle se classe déjà au troisième rang en termes de nombre de cas et de décès enregistrés. D’une part, cela constitue un signal préoccupant ; d’autre part, cela pourrait également refléter l’efficacité du système de santé dans la détection et la réponse aux cas.

Par ailleurs, depuis la déclaration de l’épidémie, l’évolution des cas semble stable dans le temps et géographiquement contenue au sein du pays. De plus, la grande majorité des cas concerne le personnel de santé (80%), ce qui est un bon indicateur de la maîtrise de l’épidémie et de sa non-propagation dans la population générale.

Graphique 2 : Évolution des cas de Marburg au Rwanda (Septembre - Octobre 2024)
Figure 2 : Distribution géographiques des cas de Marburg au Rwanda(Spetembre - Octobre 2024)

Système de santé du Rwanda :

Lorsqu’une crise sanitaire frappe un pays africain, elle engendre généralement des préoccupations souvent accompagnées de prévisions alarmantes. L’épidémie de Marburg au Rwanda semble etre une exception à cette règle. La majorité des experts affichent un optimisme notable, et cela peut s’expliquer par la solidité du système de santé rwandais. « Je suis convaincu qu’ils ont les outils et l’expertise en place pour le faire», déclare M. Spencer, un expert du virus Ebola[9].

Tout professionnel de santé publique sait ce qu’un faible système de santé, avec tout ce qu’il a de bureaucratique et corrompu, peut avoir de néfaste sur la réponse à une crise sanitaire. La réaction du Rwanda face à l’épidémie Marburg se distingue nettement de ces tendances généralement observées dans les pays à ressources limitées. Moins d’un mois après la déclaration de l’épidémie, les autorités Rwandaise ont pris l’initiative de communiquer avec des partenaires internationaux, les experts du monde et d’accéder à l’une des toutes dernières innovations scientifiques en matière de Marburg, le vaccin[10]Le Rwanda illustre parfaitement ce qui peut être accompli grâce à une bonne gouvernance et à la transparence. De la gestion du covid, à la réduction de la mortalité infantile, le système de santé Rwandais, est parmi les plus robustes d’Afrique et devrait servir d’exemple inspirant pour d’autres pays[11][12].

Graphique 3 : Taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans au Rwanda-2000-2017

Conclusion :

Il est raisonnable de soutenir que les épidémies de Marburg tendent à se terminer généralement de manière moins sévère. Le Rwanda, avec son système de santé, son expérience en matière de gestion des crises, pourrait jouer un rôle clé dans la prévention de la propagation de ce virus.

Toutefois, il est essentiel de rester prudent. La vigilance doit demeurer, car la nature des épidémies peut être imprévisible. De plus, les défis sanitaires sont en constante évolution, et les pays des Grands Lacs sont déjà confrontés à plusieurs crises, notamment la crise du Mpox et les conflits armés.

Tout laisse à penser que les épidémies de maladies virales, bactériennes, etc., seront de plus en plus fréquentes à l’avenir. Ces agents pathogènes, qu’il s’agisse de parasites, de bactéries ou d’autres, ne font aucune distinction entre les êtres humains. Cette situation souligne l’importance de la solidarité entre les nations et de la bonne gouvernance, qui sont essentielles pour renforcer les systèmes de santé et garantir une réponse rapide et efficace face à ces crises sanitaires.

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