Non le gecko n’est pas un animal dangereux : Une étude réalisée au Mali.

Le sujet de thèse de Souleye Fati fut certainement l’un des plus pertinents de son époque. L’étude réalisée par l’étudiante en fin de cycle à l’université de Bamako pour l’obtention du diplôme de doctorat en pharmacie est présentée à la faculté de pharmacie le 29/11/2005. Elle s’intitulait « Contribution à l’étude de la toxicité d’un gecko communément appelé Salamandre : le genre Hémidactylus. Légende, mythe ou réalité ? ».[1]

En véritable zététicienne, sous la supervision de Idrissa Diallo alors professeur en pharmacognosie- à l’Université des Sciences, des Techniques, des Technologies de Bamako et chef du département médecine traditionnelle de l’Institut National de Recherche en Santé Publique (INRSP), l’étude de Fati met à nu les croyances populaires sur l’une des bestioles les plus détestées en Afrique : Le gecko.

Tout d’abord elle éclaircit sur un point important, il s’agit de la dénomination même de l’animal en Afrique. Faussement appelés salamandre, les geckos sont des lézards appartenant à l’ordre des squamates, de la classe des reptiles. A la différence des geckos, les salamandres dont la plus connue est la salamandre commune ou salamandre de feu sont des amphibiens (Voir Google pour la différence ,reptiles/Amphibiens) . Fait surprenant alors que seule l’espèce agama-agama porte le nom de margouillat en Afrique, (mabouillat ou mabouya en créole antillais), margouillat est le nom courant (ou nom vernaculaire) donné en français à plusieurs espèces de reptiles, parmi lesquelles, le gecko[2].

Les salamandres se rencontrent en Europe, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, en Asie du Sud, en Asie de l’Est et en Amérique du Nord, mais pas en Afrique subsaharienne. Amphibiens, la quasi-totalité des salamandres ont des larves aquatiques comme les grenouilles, mais à la différence des grenouilles les salamandres ne perdent pas leur queue une fois adulte.[3]

Alors qu’il est associé à l’harmonie, le bonheur , la bonne fortune et la fertilité dans certaines parties de l’Asie du sud-est[4], voir même come l’animal de compagnie idéal [5]  (ce qui réfute déjà l’hypothèse des mythes associés à l’animal), en Afrique le gecko n’inspire que dégout et malveillance. A l’opposé des autres lézards qui sont eux tolérés, consommés (margouillat, varan), le gecko suscite une telle aversion en Afrique que la vue seule de l’animal lui vaut aussitôt d’être réduit en bouillie. Il existe même une expression en Bambara « Allah Djougou sourantaré » littéralement « le gecko, l’ennemi de Dieu » pour signifier l’extrême caractère indésirable d’une personne.  Chez les Agni en Côte d’Ivoire, le Gecko prédit par les mouvements de sa queue le nombre d’année de vie qui reste à la personne qui l’aurait tuée, et au Niger, on croit que le gecko est capable de rendre aveugle après avoir cracher sur les yeux [1] .

Fati cite « On croit généralement que le gecko est venimeux : il est craint pour son venin et sa morsure mortelle et qu’il serait capable d’empoisonner la nourriture et la boisson des humains. Selon une légende, le gecko aurait le pouvoir de lancer sur ces agresseurs un crachat noir et venimeux dont une goutte suffit à faire enfler les parties du corps qui ont été en contact avec ce crachat. On raconte également, qu’il survient des ulcères (brûlures ou boutons) aux parties du corps qui ont été en contact avec sa peau ; ou, qu’être en contact avec ses sécrétions provoque une mort instantanée.

Selon une conception courante, on attribue au gecko l’atteinte originelle de l’épilepsie et de la lèpre, par contact, soit direct, soit indirect comme boire l’eau ou la boisson dans laquelle le gecko aurait trempé [1].

Si l’étude de la pharmacienne ne s’intéressait pas à l’origine de ces croyances, elle en décrit la structure.

L’étude avait d’abord pour but entre autres de décrire par une enquête auprès des individus la fréquence des croyances et les mythes sur le gecko, ensuite décrire les différents signes d’intoxications chez des sujets qui pensaient avoir été victimes ou témoins d’intoxication par le gecko.

En effet 73,5 % des personnes interrogées dans l’étude disent adhérer à ces croyances dont 65 ,7% chez les personnes instruites. C’est dans la population d’âge supérieur à 30 ans et chez les personnes non instruites que les croyances sur les geckos sont les plus répandues.

Concernant les signes d’intoxication rapportés par les participants de l’étude, ce sont pour la pharmacienne ceux également observés lors d’une intoxication alimentaire ordinaire. Il s’agissait principalement des signes digestifs notamment des vomissements, des douleurs abdominales, nausée.

Pour confirmer ou infirmer l’hypothèse de la toxicité de l’animal, l’équipe de la scientifique capture des geckos vivants n’ayant subi aucun traumatisme, puis effectue des analyses sur des prélèvements de la salive, la peau et l’eau dans laquelle le gecko a été préalablement trempé, appelée eau de macération

(La salive de la bête est obtenue en introduisant un coton tige pendant quelques minutes dans la bouche de l’animal)

Prélèvement de la salive du gecko/Souley Fati

Résultat : Aucune des substances isolées ne laissent penser à la dangerosité de l’animal. Elle cite « Ces substances pourraient être des alcaloïdes, des dérivés triterpéniques et flavoniques ; substances déjà connues pour leur toxicité (A des doses très élevées, ce qui n’est pas observée dans l’étude, NDLR), mais aussi sont utilisées dans des nombreux médicaments »1.

Pour Fati les signes rapportés au cours de l’intoxication par le gecko ressemblent aux signes d’une intoxication alimentaire, « Il se peut qu’il n’y ait pas eu d’intoxication par le gecko seulement une intoxication alimentaire, c’est pourquoi, nous invitons, la population à respecter les simples règles de mesures d’hygiènes, comme par exemple, couvrir les aliments à l’abri des facteurs exogènes qui peuvent contaminer ces aliments ; éviter de consommer les aliments sans les réchauffer au préalable ».

En conclusion le gecko est tout sauf un animal maléfique et dangereux, il n’est pas venimeux, pas toxique, il serait même utile contre les insectes nuisibles dans la maison [6].Tout animal peut cependant être un potentiel réservoir à microbes (bactéries, virus,etc…).



Référence.

[1]  https://www.l-frii.com/wp-content/uploads/2018/01/06P13.pdf

[2] – Margouillat — Wikipédia (wikipedia.org)

[3] (Https://fr.wikipedia.org/wiki/Salamandridae)

[4] Michel BREUIL (2002) : Hemidactylus mabouia. Histoire naturelle des amphibiens et reptiles terrestres de l’archipel guadeloupéen. Ed Muséum national d’histoire naturelle de Paris. http://Sxm.fauna.free.fr/Rep/R-Hemidatylus-mabouia.htm.

[5]https://myanimals.com/fr/animaux/animaux-domestiques-animaux/tortues-et-reptiles/le-gecko-leopard-un-animal-de-compagnie-ideal/

[6] Tout savoir sur le Gecko – Morpho Evasions (morphocostarica.com)

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