Superstition |Sorcellerie, pourquoi les accusés sont presque toujours des femmes ?

En Europe, du moyen âge à la renaissance, la chasse aux sorciers aurait couté la vie à au moins 50.000 personnes [1]. Disparue aujourd’hui de la sphère sociale en Occident, notamment grâce aux progrès de la science et de la raison, elle n’y est plus considérée que comme une pratique barbare, pure produit de l’ignorance et de la superstition.

En Afrique les superstitions sont encore partie intégrante du quotidien des individus, et celles liées à la sorcellerie, aux persécutions des « sorciers » n’y sont pas moins présentes. Mais bien qu’endémique à travers tout le continent, certains pays enregistrent des taux plus élevés de persécutions que d’autres, c’est le cas par exemple du Burkina et du Ghana où existent des véritables camps pour victimes accusés et chassés de leurs villages pour « sorcellerie » [2,3].

Comme toute superstition, les croyances liées à la sorcellerie prolifèrent sur terrain d’ignorance, de jalousie, de haine, et de même qu’en Europe du moyen âge, en Afrique aussi les religieux entretiennent quelquefois les persécutions que ces croyances peuvent susciter. C’est ainsi que dans certains pays d’Afrique des responsables religieux chrétiens mènent une véritable compétition dans la chasse aux sorciers pour se donner une image de puissance spirituelle [4]. Tout aussi répandues soient-elles, les accusations pour sorcellerie ne concernent pas cependant équitablement toutes les couches sociales, les accusées sont les plus souvent des femmes, veilles et /ou pauvres, non instruites. Du moyen âge, aux célèbres procès des sorcières de Salem aux USA au XVIème [5], jusqu’au camps moderne pour sorcières en Afrique, ce sont toujours les femmes qui ont payé et payent encore le plus lourd tribut à cette superstition. La chasse aux sorcières est aujourd’hui une véritable guerre silencieuse de l’Afrique contre les femmes [6]

Pour quoi les femmes ?

Les vraies « sorcières » ont existé dans toutes les sociétés, il s’agissait généralement des femmes, vivant exclues de la société et fines connaisseuses des plantes et d’autres secrets de la nature. Elles étaient consultées pour soigner, conjurer le sort de la misère et d’autres souffrances humaines [7]. Les sorcières étaient redoutables certes mais rarement au point de susciter des représailles populaires. L’image des sorcières s’est viciée avec l’avènement des religions monothéistes, notamment le christianisme qui y voyait des conquérantes potentielles, faiseuses de miracles, les accusant dès lors de conspirer avec le diable pour jeter le mal dans la société, justifiant ainsi leurs persécutions [8]. Cette image de la sorcellerie s’est ensuite répandue et se répandant, la sorcellerie devenait aussi l’attribut de tous ceux qu’on ne « sent » pas, qui inspirent l’antipathie, la jalousie ou la peur et assez faibles pour se défendre. Ailleurs les trois religions monothéistes partagent l’idée selon laquelle la femme serait plus vulnérable aux tentations du diable, du mal, en raison de sa faiblesse morale et spirituelle, renforçant dès lors leurs probabilités d’être accusé de sorcellerie. Aussi, plus ces superstitions sont répandues dans une société, plus les femmes de cette société sont impuissantes, démunies, faisant d’elles les plus marginalisées pour ces mêmes superstitions.


1-The Oxford Handbook of Witchcraft in Early Modern Europe and Colonial America-Oxford University Press (2013)

2-Witch hunts: A global problem in the 21st century | Africa | DW | 10.08.2020

3-‘La chasse aux sorcières’ au Burkina Faso : l’UNESCO s’engage pour éradiquer ce phénomène d’exclusion sociale | Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

4-Witch-hunts: The darkness that won’t go away (dailymaverick.co.za)

5-Sorcières de Salem — Wikipédia (wikipedia.org)

6-Witch hunt: Africa’s hidden war on women | The Independent | The Independent

7-La véritable histoire sur l’origine des sorcières ! – Wicca Podcast (wiccaradio.net)

8-Witch Trials (peterleeson.com)

9-Witchcraft beliefs and the erosion of social capital: Evidence from Sub-Saharan Africa and beyond – ScienceDirect

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